Pot de confiture

Elle a grandi dans un champ verdoyant. Elle et ses sœurs. Elles étaient entourées de verdure. Ça sentait bon. L'air était pur. Le climat sain. Sa mère lui avait raconté comment elle avait atterri là.

Jeune arbre fruitier, il était sélectionné et planté avec des centaines de ses frères. Après sa croissance et l'atteinte de son âge de maturité, il a commencé à donner des fruits.

Au début, fut la floraison. De belles fleurs blanches à perte de vue sur toute la lignée des arbres. On dirait des flocons de neige en plein printemps. Un délice à regarder. Petite fleur attendait sa fécondation. C'est la pollinisation. Étape nécessaire pour se transformer en beau fruit... La fructification. Le résultat... Une belle pomme rouge. La nature fait bien les choses et nous offre ce qu'elle a de mieux. Notre pommier était fier de sa progéniture. Rien que de les sentir pesant sur ses branches au grès des doux coups de vent le rendait heureux.

Un jour, le pommier se le rappelait bien, c'était l'horreur. La saison de la cueillette a démarré. Le pommier voyait se rapprocher de plus en plus ces mains à cinq doigts, qui pourtant étaient jusqu'à présent si bienveillantes en veillant à le soigner et le dorloter. Des dizaines d'arbres sont passés sous ces mains avant de lui parvenir. Et maintenant, c'était son tour. Et c'était le tour de sa pomme chérie. Elle était cueillie et mise soigneusement dans un bac avec plein d'autres pommes. Il la voyait disparaître au loin sans qu'il puisse bouger une branche. Le pommier avait compris dès lors son rôle dans ce champ ! Il n'était pas aussi libre qu'il le pensait. Il était là pour une raison et un besoin précis. Il avait été conditionné pour cela. Répondre au besoin d'autrui. Et Dieu seul sait ce qu'on réservait à sa pomme chérie.

La belle pomme cueillie comme des milliers d'autres avait été sélectionnée et répartie selon le besoin. Les unes conditionnées pour être croquées les autres conditionnées pour être réduites en bouillit de confiture, d'autres pour garnir des plats fruités et d'autres pour devenir des jus de fruit.

Comment arrive-t-on à faire d'une pomme avec la belle forme que la nature lui a donnée, une forme étrangère ! Cela s'appelle le conditionnement. D'une forme de pomme bien dans sa peau à une forme cylindrique dans un pot de confiture. La pauvre pomme n'a pas choisi son conditionnement. Il a été choisi pour elle. La pauvre pomme n'avait aucunement le droit de dire non à ce conditionnement. Elle n'avait qu'à subir et se laisser faire.

Mais qu'en est-il de toi humain ! As-tu pensé un jour que tu subis durant ta vie la loi du conditionnement de la pomme ? Pourtant, tu as la capacité de dire non. Je ne veux pas être une bouillie à confiture, je ne veux pas être servi comme jus dans un verre. Et pourtant...

Dès ton jeune âge tu es conditionné par des parents.... Fait ceci, ne fait pas cela, il faut être bien éduqué, il faut être fort, il faut être beau, il faut être gentil, ne soit pas méchant, ne te laisse pas faire, ne va pas avec celui-là, celle-là ne te convient pas, ne rentre pas tard, va faire tes devoirs, mange bien, tu ne dors pas assez, travail bien à l'école... Et puis l'école, que des règles à apprendre, que des matières à suivre, les langues... Une phrase est constituée de la sorte, l'accord se fait de la sorte, la grammaire dit cela, ne pas faire de fautes d'orthographe. Et puis les sciences... Une tonne de définitions, deux tonnes de théorèmes, trois tonnes d'hypothèses et il arrive qu'on découvre le contraire de ce qu'on a appris, tout un méli-mélo renchéri par un environnement pressant, trop présent par ses uses et ses non-dits. La culture héritée et développée durant des générations vient y mettre son point d'honneur. La religion quant à elle, bonne ou mauvaise, juste ou injuste, relative ou absolue, ne cesse d'orienter, de mettre des barrières et de tracer des chemins. Et dans tout cela vient s'ancrer la volonté des forts et leur envie de devenir de plus en plus fort, tel est le jeu de la politique. Ceux qui se rendent compte de ce conditionnement se révoltent et disent à bas le conditionnement. Je veux être libre, je refuse d'être conditionné. Mais qui te dis que c'est bien le chemin de la liberté. Et si ce refus d'être conditionné était aussi une sorte de conditionnement !!

Notre naissance elle-même dans ce corps d'humain est un conditionnement. À y penser, notre finalité est peut-être d'être conditionnée. Ou plutôt notre finalité est de choisir le bon conditionnement.

Alors toi l'humain ! Que préfères-tu être ! Que choisis-tu d'être ! En quoi préfères-tu être conditionné ! À quelle sauce veux-tu être conditionné ! Tu as le choix ! Mais est-ce si simple que ça ! À toi de choisir...

Comments

[BLIDA]

Non ! Nous n'avons pas le choix des armes, malgré les regrets nous continuons notre chemin tracé par le conditionnement, pas d'issue de secours !
Parfaite analyse
Bravo